mercredi 6 juillet 2016



Conversation dans l'attente...





J'attends mon tour chez le médecin dont le bureau est situé dans une galerie marchande.

Je n'ai pas envie de m'asseoir dans la salle d'attente

Il y a tellement de maladies contagieuses depuis deux ans, que je préfère être à l'air libre

En guise d'air libre, nous avons les fumées des voitures dont le défilé est incessant


Je suis assise sur un banc dehors

Un monsieur, lui aussi en attente de son tour, vient s'asseoir près de moi sur le banc


Très vite, j'engage la conversation

J'ai le look popaa, aussi c'est souvent à moi d'engager la première la conversation avec un ma'ohi, même si je le suis moi-même, avec un métissage moins voyant.


Je démarre toujours en parlant tahitien

Mon interlocuteur se relaxe, il est très vite à l'aise et bavarde facilement


- Tu connais ce taote, c'est la première fois que je viens le consulter ?
- C'est mon taote depuis vingt ans, me répond-il
- Vingt ans ? Mais de quoi es tu malade ?
- J'ai un diabète.
- Ah, ouf, ce n'est pas un cancer !
- Non, dit-il et pourtant j'ai travaillé à Moururoa pendant les essais. Mais ça va ! Ma descendance aussi va bien.

Un moment de silence.

Une pensée pour tous ceux qui n'y ont pas échappé.

- Quand mon travail à Moururoa est arrivé à son terme, ma femme et moi avons installé un stand au bord de la route. Nous vendions des pastèques. Ça se passait bien. On vendait tout ce qu'on avait. Puis un jour nous sommes allés faire une petite sortie à Moorea. Au cours de notre séjour la-bas, nous avons rencontré une association de bénévoles qui faisait du dépistage de diabète. On s'est dit tous les deux que c'était l'occasion de le faire. On s'est approchés d'eux. Ils ont fait un prélèvement. Mais, guidés par le résultat, ils m'ont immédiatement conseillé d'aller voir un médecin, mon taux de sucre était très élevé.

- Tu l'as fait?

- Non ! Les mois ont passé et à nouveau j'ai rencontré l'association; je me suis fait dépister. Ils m'ont conseillé une nouvelle fois d'aller consulter un médecin. J'ai ignoré leur conseil et continué à vivre et manger comme d'habitude, gras, lourd, riche, bière, etc...

- Difficile de prendre une alerte au sérieux, n'est-ce-pas ?

- Oui ! Jusqu'au jour où j'ai fait un AVC et que je suis tombé dans le coma.
Là, j'ai compris que je devais changer ma façon de vivre. Ou plutôt ma façon de manger. Car j'étais devenu sérieusement handicapé. Je pouvais à peine marcher. Je souffrais aussi des genoux.
Le docteur s'est mis à me piquer des aiguilles de partout.
A partir de la hanche gauche il injectait quelque chose qui traversait mon bassin et coulait dans ma jambe droite. Il a fait ensuite la même chose à partir de la hanche droite. Je n'en pouvais plus.
Je ne bois plus de bière, terminés les steaks-frites. Parfois je craque, mais tout de suite je vais mal.
Voilà, je suis condamné à venir voir ce taote une fois par mois pour le reste de ma vie...


L'assistante du taote appelle mon nom.

Je dis au-revoir à mon voisin de banc :

- A faaitoito !!!





















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