samedi 28 mai 2016

Rencontre avec Monsieur Yip, 

maire de Anaa...




Je m'assois dans un coin avec ceux qui sont installés dans l'attente. 
Les habitants de Anaa attendent.
Je les observe, mais eux aussi m'observent, discrètement. 
Qui est cette vahine popaa? Va-t-elle rester à Anaa? Si elle continue le voyage, où va-t-elle? 

J'aurais aimé marcher jusqu'au village et le découvrir. Mais il pleut des cordes. 

Un jeune homme à qui je souris entame une conversation avec moi. Quand je lui fait part de mon souhait, il me montre en souriant un monsieur aux cheveux blancs. 
Un homme qui a l'air très alerte.
Mince, de taille moyenne, il a l'air modeste et sympathique.

 - "C'est le maire de Anaa. Tu devrais lui demander de t'emmener visiter. Sa voiture est là." 

Il me montre du regard une petite jeep japonaise. Mais je n'oserais jamais. 

Donc je continue à bavarder avec mon interlocuteur. 
Quelques autres personnes me font de grands sourires. 
D'autres me posent des questions. 
Ils veulent savoir qui je suis et ce que je fais sur le Nukuhau. 

Puis je remarque trois femmes assises l'une à côté de l'autre sur le petit muret du hangar. 
Elles sont bien en chair et leurs rires sont éclatants et bruyants. 
Elles sont drôles.



Je vais vers elles. 
Elles sont toutes contentes et d'emblée bavardent avec moi. 
Tout à coup, un rire d'homme vient se mêler à ceux de ces femmes joyeuses.

 L'homme entonne un chant de bringue: 
"les femmes d'Amérique, elles sont bien jolies,
 mais pour les avoir il faut des dollars.
 Tandis qu'à Tahiti on les a pour rien,
 vive Tahiti, le pays des amours." 

Je me retourne. C'est le maire de l'île: Calixte Yip.




jeudi 26 mai 2016

Le Yaourt de Do




mon amie Do m'a donné un jour sa recette du yaourt
depuis je prépare moi-même mon yaourt selon sa recette
et je n'aime plus aucun des yaourts vendus dans le commerce 
vous verrez, vous aurez la même réaction que moi après y avoir goûté

Les Ingrédients

 un litre de lait



 une boite de lait concentré



de la vanille de Tahiti (of course)

et un petit pot de yaourt du commerce
que j'ai oublié de photographier... 



il nous faudra également un joli bocal de verre
une casserole
et une spatule en bois



The making of...



dans une casserole, chauffer le lait 
en évitant de le faire bouillir


verser le lait dans le bocal de verre


y ajouter le yaourt
remuer avec la spatule en bois


verser le lait concentré
mélanger le tout à l'aide de la spatule en bois


couvrir le bocal d'une serviette mouillée
et laisser reposer ainsi pendant une douzaine d'heures
une nuit est idéale...


C'est prêt !!!


lorsqu'il est prêt
fermer le bocal de son couvercle et mettre au frais


servir le yaourt accompagné de fruits
papayes, bananes, fruits de la passion, 
les fruits que vous aimez
le yaourt sera ainsi sucré naturellement et à souhait...


un goûter idéal 
pour les petits ...


comme pour les grands...



Mauruuru Do !!!
je me régale à chaque fois




mardi 24 mai 2016

A Anaa 


4.




Je prends la baleinière avec Jean-Marie le régisseur et Alani qui m'a passé un gilet de sauvetage obligatoire. 

Le temps est gris. Un léger toriri se met à tomber. 
Lorsque que je pose les pieds sur l'île de mes ancêtres, Gana ou encore Anaa comme on l'appelle aujourd'hui, la pluie se met à tomber avec force. 
Toriri devient à présent pluie battante. 



Au lieu de m'agenouiller et d'embrasser la terre comme le fait le Pape lorsqu'il foule un nouveau pays, je cours me réfugier sous le hangar avec la population qui attend ses livraisons. 

Un ami m'a prêté son sac à dos étanche pour ce voyage et je sais que l'appareil photo et tout le reste sont à l'abri. 
Il m'a aussi offert pour l'occasion un carnet "rite in the rain" qui permet d'écrire même sous la pluie. 

Lorsque je trouverai une place ou m'asseoir c'est là, sous le hangar, que j'y écrirai mes premiers mots. 





Les baleinières ont commencé leurs allers-retours. 
J'observe l'immense barge arriver, chargée de denrées, de voitures et du cheval. 



A bord du Nukuhau, ils ont commencé à libérer le dessus des cales.

Puis le petit container de la "vente à l'aventure" arrive, le bureau de vente d'Alani.
Il est posé à terre, face au vent pour sa fraîcheur.



Alani s'installe et démarre les commandes.


La journée commence...




vendredi 20 mai 2016


En route vers Anaa 


3.



Notre première escale sera l'île de Anaa.
C'est l'île de ma grand-mère, de sa famille, de mes ancêtres. 

Je n'y suis jamais allée, mais j'y ai hérité d'une belle cocoteraie et d'une plage au sable fin éclatant de blancheur. 
J'ai hâte d'embrasser l'île de mon regard. 

Anaa s'appelait autrefois, et encore aujourd'hui dans les bouches des anciens, Gana.
L'étoile Gana au sud (Apa toga) indiquait que l'atoll de Anaa se trouvait au-dessous. 
Pour nos ancêtres le ciel était vu comme une mer d'étoiles, au même titre que la mer était une constellation d'îles. *

Chaque atoll avait ses propres références stellaires.
Et l'étoile prise comme guide pour naviguer est appelée Kaveiga. 
Les étoiles utilisées par les gens de Anaa de Tahiti à Anaa étaient Te Uru O Tiki, ou Les Cinq Étoiles du Dauphin. 

Sur le Nukuhau, ce navire équipé des instruments et technologies modernes, point n'est besoin de connaître la carte stellaire à l'instar de nos ancêtres même si certains marins et capitaines connaissent les étoiles, les vents, les houles et les courants aussi bien que ceux qui les ont précédés sur les routes de la mer de lune.


*Ref: frederic Torrente, Histoire des guerriers d'Anaa







(Ref: frederic Torrente, histoire des guerriers d'Anaa).

jeudi 12 mai 2016


Le départ







Samedi soir. C'est le grand jour du départ. 


Il est presque dix-sept heures lorsque j'arrive à Motu Uta. Sur les quais il n'y a que quelques voitures. Il pleut et personne n'est dehors. Le quai est propre. Tout est calme. 

Je regarde le Nuku Hau. Il est chargé. Mais tout est rangé impeccablement. 
Parmi les fûts de gas-oil empilés les uns sur les autres, les bonbonnes de gaz, les bouteilles d'eau et les containers, il y a cinq voitures à livrer dans les îles. 

Je jette un coup d'œil sur l'itinéraire que je vais faire avec le navire. 
Il y a au programme une vingtaine d'îles à visiter. "Une île par jour" m'a dit l'armateur.
Je ne connais pas la plupart d'entre elles. Je connais certaines par leur nom, d'autres pas du tout. 
Leurs noms résonnent alors en moi de tout leur exotisme et mystère. 
Je suis accueillie par le lieutenant subrécargue Alani Likefia. 

Nous partons sous la bruine, le Toriri qui en Polynésie est symbole de bénédiction. 
La nuit tombe, Tahiti s'allume. 
Et, comme chaque fois que je m'éloigne de mon île par la mer, je la contemple jusqu'à ce qu'elle disparaisse. 

Lorsque Tahiti s'est fondue dans la nuit, je me tourne vers l'horizon infini, vers la mer, l'océan Pacifique pour lequel mon cœur bat si fort. 







samedi 7 mai 2016



Les amants de la mer noire




L’amant est allé s’asseoir face à la mer

Sans doute pour être seul

La mer est noire ce soir

Il est seul devant la mer,

Comme il est dans la vie

La femme le regarde

Elle découvre que la solitude a toujours été là

Entre elle et lui

La solitude est son pays

Tout autour de lui

Comme la mer est autour d’elle

Elle a été le lieu de leurs corps

Le lieu de leurs rencontres,

De leur amour

Pourquoi la mer est-elle si noire ce soir ?

L’amant est venu dans le lieu de la séparation

Perdu, inconsolable

La mer est si grande et si noire

Si noire










jeudi 5 mai 2016

Le gardien d'étoile

avec le Nukuhau, goelette des îles


Nous voguons vers l'atoll de Anaa . Ce sera notre première escale. Nous l'atteindrons demain. Mon clan maternel est de cette île. C'est la tribu des Parata, anciennement appelée Putahi.


Hoa (passage au sein du récif)
à la sortie du village de Anaa



Je viens de prendre mon café au mess des marins. Je sors prendre l'air sur le pont. Deux jeunes gens bavardent en regardant la mer. L'un parle et l'autre, le plus jeune, écoute.
Celui qui parle ressemble à ce que j'imagine être un Parata ou Putahi. Un corps sec, aux muscles longs, très brun. Les cheveux longs et frisés sont noués sur la nuque. Les yeux sont noirs, le regard est vif et malicieux.
Il me regarde et la conversation est lancée.


C'est un être plein de poésie, de contes et de magie. Il me raconte qu'il possède une météorite, un « morceau d'étoile » dit-il « en forme de goutte d'eau ». Son père l'aurait découverte il y a très longtemps entre les racines d'un cocotier. Il l'aurait recueillie puis cachée des regards rapaces.
Il aurait ensuite confectionné un collier de coquillages-étoile destiné à celui de ses enfants qui deviendrait le gardien de cette fraction d'étoile.


Je ne peux m'empêcher d'imaginer mon nouvel ami tenant la goutte d'étoile à peine plus grande que ses deux mains réunies, le cou paré du collier de coquillages-étoile, les yeux levés vers le firmament, par une nuit où la lune n'est qu'un filet doré suspendu entre les astres.


Plus que tout ce jeune Putahi aime les arcs-en-ciel qui viennent la nuit enjamber l'atoll de leur blancheur. Il me raconte que certains de ces arcs-en-ciel font mouvoir les vents. Je le vois alors écarter ses bras en croix comme il le fait ces nuits là pour sentir les mouvements des vents dans l'air de Anaa. Et son visage se met à briller de bonheur.


Le lendemain, lorsque nous sommes arrivés à Anaa, le gardien d'étoile qui danse avec les vents des arcs-en-ciel de nuit vient me dire au-revoir. Nous nous souhaitons l'un à l'autre bonne route sur les chemins de la vie et de l'extraordinaire. Mais avant de me quitter, il sort son portable et me montre quelques photos. Ce sont des photos de la goutte d'étoile.


Elle existe donc vraiment...

lundi 2 mai 2016


Histoire de mort sur Papeete

à mon ami Michel KO


Ils sont à la galerie du Musée de Tahiti

L’expo a pour thème la mort

Il a l’air d’un artiste

avec sa chemise trop grande et fripée

enfilée sur un t-shirt aux longues manches.

Elle, en robe tapa jusqu’aux chevilles

La manche glissant sur l’épaule

Une couronne de fleurs rouges au poignet

et sur les cheveux.

Elle penche la tête sur le côté,

plisse les yeux

comme pour avoir une perspective différente

de ce tableau si abstrait

de l’artiste qui signe KO.

Une œuvre peinte sur du contre-plaqué

avec des monstres de la mort

partout sur la ville de Papeete.

On ne fait plus la différence

entre eux et les humains.

Leurs yeux et leur bouche sont trop grands.

Elle les regarde,

Elle entend les êtres bleus solliciter l’artiste

et soudain elle a peur.

Elle se sent petite, toute petite,

comme la fois où elle roulait en montagne

en jeep de guerre

avec son grand-père

qui conduisait en la portant sur ses épaules

tandis qu’ils longeaient les précipices.

Je veux descendre, criait-elle.

Apprends à ne pas avoir peur, répondait-il.

Si elle glissait de ses épaules

il ne pourrait pas la rattraper, se disait-elle

Elle tomberait tout en bas du précipice.

Mort.




L’artiste a-t-il eu peur de ces monstres bleus ?

A- t’il dessiné sa peur, son cauchemar ?

Les a-t-il rencontrés lorsque, les yeux exorbités par la faim,

il mendiait dans les rues de Papeete

une misérable petite pièce de cent francs,

que personne ne voulait lui donner,

ou, lorsque désespéré, il peignait sur du carton

ramassé au fond des poubelles

juste au-dessous des aliments jetés

par ceux qui mangent sans faim ?




Furent-ils ceux qui envahissent ces nuits

où l’on rêve de poisson à la crème

et de frites ?

Et comme la petite marchande, on craque

la dernière allumette pour fumer

son dernier taho, son dernier joint

Le dernier mégot,

Le dernier rêve

La flamme s’est éteinte, il reste

les êtres bleus aux bouches

et aux yeux trop grands

grimaçant devant sa face.

Mort.


Tu as peur de la mort ?

demande l’artiste à la chemise trop grande

et fripée.

Non, répond-elle en faisant un geste dans l’air

de sa main à la couronne rouge

Mais je préfère ne pas être là

quand elle arrivera.