lundi 2 mai 2016


Histoire de mort sur Papeete

à mon ami Michel KO


Ils sont à la galerie du Musée de Tahiti

L’expo a pour thème la mort

Il a l’air d’un artiste

avec sa chemise trop grande et fripée

enfilée sur un t-shirt aux longues manches.

Elle, en robe tapa jusqu’aux chevilles

La manche glissant sur l’épaule

Une couronne de fleurs rouges au poignet

et sur les cheveux.

Elle penche la tête sur le côté,

plisse les yeux

comme pour avoir une perspective différente

de ce tableau si abstrait

de l’artiste qui signe KO.

Une œuvre peinte sur du contre-plaqué

avec des monstres de la mort

partout sur la ville de Papeete.

On ne fait plus la différence

entre eux et les humains.

Leurs yeux et leur bouche sont trop grands.

Elle les regarde,

Elle entend les êtres bleus solliciter l’artiste

et soudain elle a peur.

Elle se sent petite, toute petite,

comme la fois où elle roulait en montagne

en jeep de guerre

avec son grand-père

qui conduisait en la portant sur ses épaules

tandis qu’ils longeaient les précipices.

Je veux descendre, criait-elle.

Apprends à ne pas avoir peur, répondait-il.

Si elle glissait de ses épaules

il ne pourrait pas la rattraper, se disait-elle

Elle tomberait tout en bas du précipice.

Mort.




L’artiste a-t-il eu peur de ces monstres bleus ?

A- t’il dessiné sa peur, son cauchemar ?

Les a-t-il rencontrés lorsque, les yeux exorbités par la faim,

il mendiait dans les rues de Papeete

une misérable petite pièce de cent francs,

que personne ne voulait lui donner,

ou, lorsque désespéré, il peignait sur du carton

ramassé au fond des poubelles

juste au-dessous des aliments jetés

par ceux qui mangent sans faim ?




Furent-ils ceux qui envahissent ces nuits

où l’on rêve de poisson à la crème

et de frites ?

Et comme la petite marchande, on craque

la dernière allumette pour fumer

son dernier taho, son dernier joint

Le dernier mégot,

Le dernier rêve

La flamme s’est éteinte, il reste

les êtres bleus aux bouches

et aux yeux trop grands

grimaçant devant sa face.

Mort.


Tu as peur de la mort ?

demande l’artiste à la chemise trop grande

et fripée.

Non, répond-elle en faisant un geste dans l’air

de sa main à la couronne rouge

Mais je préfère ne pas être là

quand elle arrivera.














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